Gilets jaunes : pourquoi autant de violences policières ?

Les violences policières contre des manifestants majoritairement pacifiques ont atteint un niveau inédit en France. Le nombre de blessés graves, dont certains sont rendus handicapés à vie, borgnes ou défigurés, dépasse la centaine, sans compter les innombrables « arrestations préventives » ni les incarcérations à la chaîne de personnes dont le tort principal était d’être au mauvais endroit au mauvais moment. Cette répression sanglante rappelle, en plus violente, celle qui s’était abattue sur les manifestants contre la loi travail en 2016. Elle marque la volonté du gouvernement de résoudre les contradictions sociales par l’usage de la force étatique, policière voire militaire.

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Pourquoi cette montée de la violence policière lors des manifestations ? En cause, selon l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT), un récent changement de doctrine de maintien de l’ordre. On est passé en quelques années d’une gestion de mise à distance des manifestants  (éviter de tuer et le plus possible de blesser) à une politique d’affrontement direct : là où les forces de l’ordre tentaient de repousser les manifestants, elles visent et attaquent désormais la foule avec des armes à « létalité réduite » comme les grenades GLI-F4 ou les lanceurs de balles de défense (officiellement classés comme matériel de guerre). D’une portée cinq fois supérieure au Flash-Ball classique et équipée d’une lunette de visée, le LBD 40 (dont l’usage en France n’est théoriquement possible «qu’en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée» ) a provoqué à lui seul des dizaines de blessés graves parmi les Gilets Jaunes. Rappelons que les policiers dotés de LBD doivent viser exclusivement le torse et les membres inférieurs ou supérieurs or parmi les 173 blessés graves recensés au 26 janvier, 152 ont été atteints à la tête et 20 ont perdu un oeil… Mais ni ces dérapages manifestes, ni ce sinistre bilan, ni les appels du Défenseur des droits à suspendre l’usage des balles de défense ne dissuadent le gouvernement de poursuivre cette escalade ultra-répressive. En décembre dernier, le Ministère de l’intérieur français lançait un appel d’offres pour acquérir 1280 nouveaux LBD…

Il s’agit désormais pour l’exécutif de traiter les manifestants comme des ennemis de l’intérieur et de leur appliquer les méthodes de répression contre-insurectionnelle utilisée à l’origine contre la résistance algérienne et plus près de nous contre les palestiniens. L’usage massif de grenades explosivesl’humiliation infligée à des élèves lycéens forcés de se tenir à genoux devant des policiers ou les violences exercées contre des gilets jaunes copieusement gazés et matraqués après avoir été placés dans cette même position relève du registre néocolonial. L’objectif est avant tout de mater la contestation sociale pour défendre « l’ordre républicain ».

On peut s’attendre à une augmentation des violences policières au cours des prochaines années, à l’heure où le gouvernement arme toujours plus lourdement les forces de l’ordre : outre des fusils d’assaut réservés aux agents de la BAC, des armes intermédiaires comme le Taser ou le flashball dont la dangerosité avérée a pourtant fait l’objet d’un récent rapport. Supposées non-létales, elles occasionnent en réalité de nombreux décès ou infirmités et ça ne devrait sans doute pas s’arranger avec la nouvelle réglementation française qui étend les zones corporelles et n’impose plus de distance minimale de tir, à rebours des recommandations formulées par le Défenseur des Droits. L’assouplissement des conditions dans lesquelles les policiers pourront faire usage de leur arme à feu (limité pour l’heure au cas de légitime défense) prévu par l’article 20 du projet de loi sur la réforme de la procédure pénale, devrait aussi entraîner une hausse des bavures.

C’est dans ces moments de crise sociale où sa légitimité est mise à mal que le pouvoir dévoile sa nature de classe : une force politique totalement acquise aux intérêts de la bourgeoisie et qui n’hésite pas à faire usage de la répression la plus brutale contre tous ceux qui tentent de résister aux attaques contre leurs conditions de vie.

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