Islamo-gauchisme : derrière la manoeuvre idéologique, une offensive dévastatrice contre la liberté d’expression et les droits démocratiques.

Objectif 2022. Englué dans une crise sanitaire et financière qu’il a lui-même contribué à créer par son incompétence, l’exécutif se lance dans une surenchère raciste et fascisante. Gérard Darmanin, non content d’avoir dissout une association de lutte contre l’Islamophobie, tente de doubler Marine Le Pen par la droite en lui reprochant sa mollesse sur l’Islam, tandis que Macron chasse sur les terres du Rassemblement National et glorifie le Maréchal Pétain. Sans oublier le ministre de l’enseignement supérieur qui puise sans vergogne dans la rhétorique de l’ultra-droite pour stigmatiser les intellectuels et les musulmans, suscitant la juste réprobation de certains universitaires. En ces temps de crise, rien ne vaut la bonne vieille tactique du bouc émissaire. Mais la guerre contre les musulmans ne vise pas qu’une simple communauté. Ses victimes collatérales ne sont rien de moins que la liberté d’expression et les droits démocratiques. L’article que nous présentons ci-après pointe les dangers considérables de cette politique liberticide dont le fer de lance est la mal-nommée « loi contre le séparatisme ».

Utilisant cette menace, Macron a déjà imposé au Conseil français du culte musulman (CFCM) une charte humiliante, l’obligeant à obéir à la « cohésion nationale » et à « l’ordre public ». Cette charte soumet de fait les musulmans à un serment de loyauté et à une répression policière permanente. Il est impossible de ne pas rappeler qu’au 20e siècle, les régimes fascistes ont incité les haines antisémites pour diviser la classe ouvrière et imposer des politiques meurtrières.

Il serait d’ailleurs erroné de voir en cette loi une attaque contre les droits des seuls musulmans ou d’autres croyants. L’article 8 impose le principe fascisant de responsabilité collective des associations, créées en vertu de la loi 1901, pour les actions de chacun de leurs membres. Cela ouvre la voie à des dissolutions arbitraires d’organisations culturelles et politiques. La police pourrait citer une infraction commise par un membre d’une association pour dissoudre l’association et éventuellement poursuivre tous ses membres. C’est une attaque contre toute la classe ouvrière.

Fascisation en marche

Comme à travers l’Europe, la classe dirigeante cultive des forces néofascistes. Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, 38 ans, qui a dirigé la rédaction de la loi, ne cache pas ses opinions. Interrogé pour savoir si la loi peut être utilisée pour interdire des partis, il a dit qu’il ne poursuivrait pas le parti d’extrême-droite l’Action française (AF), qui cherche à renverser la République et à restaurer la monarchie absolue renversée en 1789. Les membres de l’AF ont par la suite confirmé que Darmanin y a milité en 2008, avant de rejoindre les Républicains et puis Macron.

Les lois de 1901 et 1905, aujourd’hui visées par Macron, ont été établies à travers une lutte contre l’Action française – les partisans intellectuels les plus impitoyables de l’antisémitisme politique, du monarchisme et finalement de l’anticommunisme et du fascisme en France.

L’Action française a été fondée en 1898 pour garder en prison l’officier juif Alfred Dreyfus après sa condamnation injustifiée en 1894 sur de fausses accusations d’espionnage par l’armée, soutenue par l’Église. Le mouvement socialiste, dirigé par Jean Jaurès, a joué un rôle décisif pour établir l’innocence de Dreyfus. La défaite cuisante de l’Action française dans l’Affaire Dreyfus a préparé l’adoption des lois de 1901 et 1905, garantissant la liberté d’association et la liberté de religion.

Pendant la Seconde Guerre mondiale, l’Action française a été la base politique du régime de Vichy. Son chef, Charles Maurras a salué l’arrivée au pouvoir du dictateur collaborationniste Philippe Pétain en 1940 en tant que « divine surprise ». Après la guerre, lorsque Pétain et Maurras ont été condamnés pour trahison, Maurras a déclaré que c’était «la revanche de Dreyfus ».

Avec la loi « anti-séparatiste », Macron tente de façonner la vengeance de Maurras. Elle a répudié ses prétentions lors des élections de 2017, selon lesquelles Macron était une alternative «démocratique » à la candidate néo-fasciste Marine Le Pen.

En 2018, lors de la mobilisation des « gilets jaunes », Macron a salué Pétain en tant que « grand soldat ». Aujourd’hui, rejetant le soutien de masse et les appels des médecins pour un confinement contre la COVID-19, il poursuit une ligne d’extrême droite. Lors d’un débat la semaine dernière, Darmanin a attaqué Le Pen depuis la droite en la qualifiant de « molle » sur l’Islam, qui devrait prendre des « vitamines ».

Covid-19 et stratégie du choc

Le virage autoritaire est lié à la politique meurtrière de l’élite dirigeante face au coronavirus. La pandémie de COVID-19 est un événement déclencheur dans l’histoire mondiale. Pour mettre en œuvre sa politique d’homicide, la classe dirigeante internationale cultive des forces fascistes et renforce le régime d’État policier.

Dans toute l’Europe, des processus similaires sont en cours. En Espagne, l’armée a réagi aux grèves de l’année dernière qui ont forcé un confinement en complotant des coups d’État et en réhabilitant le leader du coup d’État fasciste de 1936, le dictateur Francisco Franco. En Italie, le banquier Mario Draghi forme un gouvernement anti-confinement avec à la fois la Lega d’extrême droite et le Parti démocratique ex-stalinien. Et la bourgeoisie allemande intensifie ses appels au réarmement et ses campagnes de réhabilitation des nazis.

Une nouvelle police de la pensée

Le caractère foncièrement antidémocratique et fascisante de cette loi émerge dans les remarques faites le même jour par la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal. La loi « anti-séparatiste » va de pair avec une attaque à outrance contre les libertés académiques et celles de la conscience.

Vidal a confirmé que le gouvernement demandera au Centre national de recherches scientifiques (CNRS) de recenser l’acceptabilité idéologique de toutes les recherches universitaires en France: « Oui, je vais demander, effectivement, à ce que l’on fasse un bilan de l’ensemble des recherches qui se déroulent dans notre pays, que ce soit les recherches sur le post-colonialisme par exemple. » Elle a cité la nécessité de combattre «la radicalisation des opinions et des propos. »

Vidal reprenait ses commentaires dimanche sur CNews, où elle avait annoncé qu’elle demanderait au CNRS d’enquêter sur la présence de « l’islamo-gauchisme » dans « l’ensemble des courants de recherche » en France. Elle a appelé à « distinguer ce qui relève de la recherche académique et ce qui relève du militantisme et de l’opinion. »

La Conférence des Présidents d’Université (CPU) a réagi dans un communiqué pour dénoncer les propos de Vidal. Elle y déclare: « La CPU fait part de sa stupeur face à une nouvelle polémique stérile sur le sujet de l’‘islamo-gauchisme’ à l’université. ‘L’islamo-gauchisme’ n’est pas un concept. C’est une pseudo-notion dont on chercherait en vain un commencement de définition scientifique, et qu’il conviendrait de laisser, sinon aux animateurs de CNews, plus largement, à l’extrême droite qui l’a popularisé ».

La CPU a aussi souligné son étonnement face à « l’instrumentalisation du CNRS, dont les missions ne sont en aucun cas de produire des évaluations du travail des enseignants-chercheurs, ou encore d’éclaircir ce qui relève ‘du militantisme ou de l’opinion.’ La CPU réclame au minimum des clarifications urgentes, tant sur les fondements idéologiques d’une telle requête, que sur la forme, qui oppose CNRS et universités ».

Néanmoins, le gouvernement et le CNRS agissent rapidement pour mettre en place l’évaluation idéologique des recherches universitaires par l’État. Des représentants du CNRS ont déclaré au Monde que le CNRS est en train de « discuter avec le cabinet pour préciser les attentes de la ministre ». Le Monde a ajouté que le ministère avait confirmé, « sans plus de détails », que « Les objectifs seront définis dans les prochains jours ».

Le professeur de droit Noé Wagener a commenté: « Des députés de la majorité, en plus des députés Les Républicains, croient désormais mordicus que l’enseignement supérieur est devenu un haut lieu du “séparatisme” … L’idée selon laquelle il y aurait des “mauvais” travaux universitaires, car dangereux pour la vie sociale, s’ancre dans les esprits et risque de déboucher sur des modifications législatives restreignant les libertés académiques ».

Acculé par la montée de la colère sociale contre l’austérité et le capitalisme, ainsi que sa politique d’immunité collective menée face à la pandémie, le gouvernement tente d’établir un délit d’opinion. S’il reprend pour évaluer les recherches universitaires des termes utilisés par des polémistes néo-fascistes tels que Michel Onfray ou Eric Zemmour, c’est qu’il vise les mêmes cibles: l’opposition aux guerres menées par Paris dans le monde islamique, ainsi qu’au militarisme et à l’État policier français. Sa cible n’est pas seulement les chercheurs, mais l’ensemble des travailleurs.

Le gouvernement ne dit rien sur les sanctions qu’il voudrait infliger aux universitaires que sa commission d’enquête déclarera avoir des idées « islamo-gauchistes » coupables. Mais une telle évaluation aurait inévitablement le caractère d’une chasse aux sorcières, les universitaires dénoncés par le gouvernement étant assimilés à des criminels complices du terrorisme et donc à des ennemis du peuple. Or, les universitaires visés par l’État n’ont manifestement commis aucun acte terroriste.

La présentation officielle de la loi « anti-séparatiste » en tant que défense de principes républicains est une fraude. Rédigée sous l’autorité du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, un ancien sympathisant du parti monarchiste d’extrême-droite l’Action française, elle saborde la loi de 1905 sur la laïcité en soumettant le culte musulman à un contrôle étatique strict. Les associations sont menacées de dissolution par cette loi, dont les partis politiques sont également sommés de se conformer aux principes « anti-séparatistes ».

Cela n’a rien d’une défense des principes internationaux de « Liberté, Égalité et Fraternité » énoncés lors de la révolution de 1789 pour les personnes de toutes les races et origines. Cette loi est inspirée par des ennemis conscients des principes démocratiques établis lors des révolutions américaine et française au 18e siècle, qui visent à imposer des politiques antisociales et meurtrières dans l’intérêt de l’aristocratie financière, malgré la montée de l’opposition parmi les travailleurs.

Mettre l’université au pas

La mesure proposée par Vidal reprend un appel au gouvernement pour mettre l’université au pas, dit le « Manifeste des 100 », lancé en novembre 2020 par un groupe d’intellectuels de droite dont Marcel Gauchet, Pierre-André Taguieff, et l’ex-ministre de l’Éducation Luc Ferry. Gauchet a été l’étudiant de Claude Lefort, le co-fondateur du groupe Socialisme ou Barbarie qui a rompu avec la IVe Internationale et avec le marxisme en 1949. Au critère de classe, ces éléments substituent le critère racial et ethnique.

Leur manifeste manie les appels à l’anti-américanisme, au nationalisme français, aux haines colonialistes et à un nationalisme blanc à peine déguisé pour appeler à la censure des universités. Ils y écrivent: « Les idéologies indigéniste, racialiste et ‘décoloniale’ (transférées des campus nord-américains) y sont bien présentes, nourrissant une haine des ‘Blancs’ et de la France; et un militantisme parfois violent s’en prend à ceux qui osent encore braver la doxa anti-occidentale et le prêchi-prêcha multiculturaliste. »

Ils ont ajouté : « Alors que le port du voile – parmi d’autres symptômes – se multiplie ces dernières années, il serait temps de nommer les choses et aussi de prendre conscience de la responsabilité, dans la situation actuelle, d’idéologies qui ont pris naissance et se diffusent dans l’université et au-delà. L’importation des idéologies communautaristes anglo-saxonnes, le conformisme intellectuel, la peur et le politiquement correct sont une véritable menace pour nos universités. … Nous demandons donc à la ministre de mettre en place des mesures de détection des dérives islamistes. »

Si l’adoption de telles mesures par le gouvernement témoigne de sa faiblesse et de sa panique face à la colère sociale, ce serait une erreur fatale que de minimiser les dangers de dictature posées par la loi « anti-séparatiste » et la censure proposée par Vidal, Gauchet, Taguieff, et autres. Il est essentiel de mobiliser politiquement les travailleurs et les jeunes contre cette tentative d’étouffer la liberté d’opinion et les principes démocratiques, en menant une lutte socialiste contre l’aristocratie financière et tous ses serviteurs politiques.

Article original : La loi «anti-séparatiste»: une attaque frontale contre les droits démocratiques (par Alexandre Lantier)

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