Pour une critique radicale des médias. Entretien avec Baron William

Baron William : Par quoi veux-tu commencer ?
Nicolas Bourgoin : Par mes méthodes de travail que j’ai changées dernièrement en abandonnant la forme académique pour rédiger des livres sous forme de romans. L’idée était de toucher un lectorat plus large.
La question peut en effet se poser : est-ce que la fiction peut être un vecteur efficace pour intéresser le public et le sensibiliser à certaines thèses politiques, suivant l’exemple de Lucien Cerise ou d’autres ? Le livre « Les brillants » de Marcus Sakey, devenu best- seller, et Oliganarchy de Lucien Cerise, très bon roman, incitent le lecteur à réfléchir sur le thème de la manipulation politique. Le premier traite des attentats sous faux drapeaux, des méthodes de surveillance et de contrôle des populations dans le cadre de la guerre contre le terrorisme, le second expose les méthodes de l’ingénierie sociale. J’ai voulu à mon tour m’essayer à cet exercice.

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BW : Il parait y avoir un parallèle avec la période d’engouement pour la science fiction aux Etats Unis, au moment de la chasse aux sorcières de Mc Carthy ….
L’éducation nationale supérieure est-elle une usine à savoir ou un distributeur à bonbons diplômes ?
NB : C’est un peu les 2, ça dépend de quelle université. Mais globalement ça devient de plus en plus un distributeur à bonbons diplômes du fait d’une dévaluation des titres universitaires qui conduit à des stratégies d’instrumentalisation des facs par les futurs employeurs, par les étudiants aussi d’ailleurs : les études doivent servir avant tout à quelque chose, à former des futurs salariés corvéables à merci, et dans cette course il faut être mieux placé que le voisin…
Mais il y a tout de même des exceptions, comme à Paris 8.
Le problème vient du marché du travail : la fac offre de moins en moins de chance d’y accéder, avec ou sans diplôme, à cause du chômage de masse. Il y a d’une part l’université des citoyens formant à la culture et l’esprit critique, et sur un autre versant, la formation professionnalisante. La seconde prend l’ascendant sur la première pour des raisons pragmatiques : la culture ne nourrit pas, sauf exception et du coup les étudiants s’en détournent.
BW : T’étant fait connaitre sur le web quand certains de tes articles ont été repris par  E&R, que penses-tu de la dissidence en général ?
NB : On y trouve des idées intéressantes et souvent justes : des critiques constructives de la gauche morale et de ses traîtrises, une dénonciation de la loi de 1973, une mise en cause de la construction européenne, de l’OTAN, du capitalisme mondialisé… Sur ces questions, je renvoie à ma critique de Comprendre l’Empire que l’on trouve sur mon blog.
Ceci dit, je ne me réclame d’aucune chapelle en particulier, sauf peut-être du marxisme qui guide le gros de mes analyses. En tout cas, j’essaie d’être le plus indépendant possible.
BW : Peux-tu exprimer ton point de vue sur l’alterweb et les sites de réinformation ?
NB : Il y a nombreuses choses circulant sur ces sites, le mien en fait partie. Je n’ai pas d’avis négatif a priori sur ces nouveaux média.
Rédiger des articles sur un blog : c’est un nécessité si on refuse la soumission aux médias et qu’on veut contrer leurs effets de propagande.
Il est important pour un citoyen, d’avoir une attitude active et critique, en allant voir ailleurs. Il ne suffit pas d’aller sur les sites alternatifs, car on y trouve parfois des infos erronées qu’on relaye ensuite…. seule une confrontation est vraiment intéressante. Vérifier, croiser les sources, choisir des articles sur des sites sérieux comme Investig’ action ou Arrêt sur info et éviter les sites parodiques sauf si on veut s’amuser !
BW : Oui, c’est le cas quand une information circulant sur l’alterweb est validée par les merdia la diffusant, car ils auraient l’air ridicule de s’entêter à la nier, comme ca leur arrive si souvent ….. Dans notre monde, le vice paie ou se paie, d’après toi, expert en criminologie ?
NB : Ça dépend quel vice, car il y a 2 types de traitement de la délinquance : les délinquants économiques ont souvent les moyens de détourner les règles, alors qu’on applique la tolérance zéro pour la délinquance de rue ou de droit commun, pourtant globalement moins coûteuse pour la société.
Il y a une double justice : certains vices se paient et d’autres paient….. Le traitement par l’appareil d’État diffère selon la position sociale, celle-ci offre plus ou moins de ressources pour échapper aux rigueurs de la justice.
BW : Pour les crimes de guerres des banksters et complices multirécidivistes, la loi doit-elle rétablir le supplice du pal ou développer les prisons dorées ou ouvertes, comme en Italie par exemple ?
NB : Les sanctions comme des peines de prisons ferme sont rares pour ce type d’infractions, et sont prises pour faire des exemples payant pour tous les autres, afin de tenter de faire croire que c’est pareil pour tout le monde (voir le cas Cahuzac). Le fraudeur ne faisant, au final, qu’exagérer des pratiques déjà en cours, inhérentes à la logique propre au système capitaliste actuel …..
BW : Les crimes et délits d’aujourd’hui font les lois de demain ….. De nos jours, il sera dur d’affirmer le contraire …..
Ton site est-il très fréquenté, tes livres lus par nombreux individus ?
NB : Depuis 3 ans qu’il existe, le compteur de mon site affiche un peu moins de 600 000 visites, soit 400 000 visiteurs uniques consultant 1,5 pages chacun.
Les chiffres des ventes de mes livres sont nettement inférieurs….. Mais bon, il y a le téléchargement gratuit !
Seulement 250 acheteurs pour La révolution sécuritaire, 300 pour La république contre les libertés. Et pour les nouveaux, dans la trilogie de romans de science fiction Apocalypse orange ou Le messager, c’est du même ordre.
Le réseau de distribution a son importance, par exemple Kontre Kulture vend bien, et l’achat de ces livres rentre dans une démarche citoyenne et de réinformation.
Mais globalement de moins en moins de lecteurs achètent de bouquins, préférant les vidéos sur le web, alors que les versions écrites sont souvent plus riches que les vidéos, comme par exemple pour La stratégie du choc de Naomi Klein.
De plus, l’Harmattan qui publie mes livres, sort plusieurs titres par jours, ce qui les met en concurrence, et peu atteignent des chiffres de ventes corrects…
BW : Avec ton oeil avisé tu dois repérer direct les trolls sur ton sites, sont-ils nombreux, efficaces ou contreproductifs ?
NB : Jamais efficaces : je les vois vite et les bloque, dès que ce n’est plus constructif, négatif et que ça ne fait rien avancer dans la discussion….. Les commentaires doivent rester courtois avec de vrais arguments qui ne tombent pas dans la mauvaise foi. L’intérêt est de discuter avec des gens ouverts, Il y a assez peu de trolls et beaucoup d’accord entre les commentateurs.
BW : Alors que nombreuses personnes ont perdu le sens de la dispute mesurée et raisonnée, préférant créer la zizanie et en tirer profit …..
NB : Nous avons besoin d’un modèle commun afin d’échanger, Jean Bricmont définit 2 conditions pour discuter : penser des choses différentes tout en ayant un fond de références commun et  pouvoir formuler des arguments. En réalité, c’est surtout la seconde qui bloque : c’est devenu de plus en plus difficile de discuter sans tomber dans les invectives.
BW : Glissement orienté et inversion du langage, nous en reparlerons, bientôt ….. Un petit mot aux lecteurs ?
NB : Ne pas oublier qu’internet est à la fois un outil de contrôle et un espace de réflexion dont chacun doit se saisir avec prudence et circonspection.Il faut en faire un usage raisonné !

3 réflexions sur “Pour une critique radicale des médias. Entretien avec Baron William

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